jeudi 24 décembre 2009

Nicole| Rêverie de Noël







Ce soir , j'ai  fait un rêve étrange .
 j'ai dix ans.

Dehors le ciel est gris, il fait très froid.
C'est Noël!
____________________________________________
Hier soir,  mon frère et moi
avons déposés nos souliers sous l'étagère  en marbre de la salle à manger,
à l'endroit ou la crèche est posée.

Les petits santons descendent gaiement la colline de papier froissé,
la rivière coule, les ailes du moulin virevoltent.

Je ne crois plus au Père Noël depuis longtemps mais je continue de faire semblant.
Peut être bien qu'à force de l' imaginer, il va finir par exister,
comme tous  les personnages de mes livres.
Dans la rue  des milliers de guirlandes scintillent.
Aujourd'hui c'est la fête!

Dans quelques heures toute la famille sera réunie.
Je suis heureuse.
________________________________________________________
Des airs connus   se bousculent  dans ma tête 
avant de venir échouer sur mes lèvres
"C'est la belle nuit de Noël
la neige étend son manteau blanc
et les yeux levés vers le ciel
à genoux les petits enfants."
________________________
Je chante et  voila que  dans le ciel  noir les étoiles s'illuminent
 les unes après les autres.
Je lève la tête à la recherche de la plus grande , la plus belle,
celle que j'ai délicatement posée au dessus de l'étable
"l'Etoile du Berger. "
Elle est là !
 Je la  regarde et soudain  mille ans s'effacent.


_Je ne connais pas encore la misère,
 la solitude, le désespoir, le manque d'amour.
Que pour certains Noel puisse être un jour triste malgré les lumières qui scintillent,
je ne peux encore l'imaginer.

Pourtant tout cela je le sais déjà 
 Maman me l'a dit.
Mais je n'ai que  dix ans, et l'ais je vraiment bien compris
moi qui ne connais pas grand chose de la vie.

Impatiente,
J'attends le nez collé contre la vitre ,
faisant des ronds de buée à la fenêtre de la cuisine,
l'arrivée de grand Papa , grand Maman,
Pépé, Manou , Tatie Toinette et Tatie Jeanne.
pépé,
________________________sOUI_______________________________
Soudain,  je les aperçois   et mon cœur  bat la chamade.
Ils ont les bras chargés de cadeaux.
Au  travers des mailles du" filet" que porte au poignet ma grand mère,
il me semble entrevoir un paquet au reflet argenté.
 Les battements de mon cœur s'accélèrent.
Je ferme les yeux.
  j'essaye  pour la  dernière fois de deviner si notre lettre au Père Noël a bien été lue.
_______________________________________
Dans la maison ça sent bon.
La table est déjà dressée.
Maman prépare un bon repas .
Papa chante en cirant ses chaussures.
Nous sommes heureux, mais nous ne le savons pas encore !

Comment imaginer lorsqu'on a dix ans que le rêve est souvent plus court que prévu.
Qu'un jour toutes ces lumières s'éteindront les unes après les autres.

___________


Ce sont les plus Anciens  qui  partiront les premiers.
Sans doute pour montrer le chemin.
___________________________________________________
Je n'ose même pas imaginer avec quelle douleur
Maman nous a quittés   un si beau jour d'été .
six jours seulement avant leur  50 ans  de mariage.

Quelques années après, c'est Papa qui est parti la rejoindre,
Sans doute l'attendait elle  parée  de sa plus belle robe.



Aujourd'hui,
Les lampions de la fête sont toujours là.
Les guirlandes brillent encore de tous leurs éclats.
Et les petits santons qui descendent lentement la colline de papier froissé
ont toujours le même regard paisible.
___________________________________________
Les grands parents arrivent encore au petit matin  les bras chargés de présents et
les enfants impatients les attendent toujours derrière les fenêtres
en faisant des ronds de buée sur les vitres glacées .
__Mais les guirlandes ne brilleront plus jamais de la même façon
pour tous ceux qui sont devenus 
" Orphelins de leur enfance."
______________________________________________
En cette veille de Noël puis- je encore
griffonner sur une page de mon vieux cahier d'écolière,
un petit mot que je glisserais sans faire de bruit,
 dans les souliers de mes parents au coté des nôtres.

"Papa , Maman ,
ce n'est pas seulement votre absence qui m'est intolérable
mais la longueur de cette absence ."
_____________________________________________________
En ce soir de Noël et  malgré tous les coups bas que la vie  nous réserve,
J'aimerai  savourer encore une fois ,
comme je le faisais  hier, avec les gâteaux de riz de ma grand mère,
ces quelques brins de bonheur qui nous sont distribués,
et qu'au lever du jour nous trouvons déposés
 dans nos petits souliers.
_______________________________________________
Car tout est fragile et éphémère.
________________________________________
Joyeux Noël à tous.

Nicole

















lundi 7 décembre 2009

Anne | Départ en Vacances

.
.
Pour mon premier départ en vacances,
nous allions traverser la France en diagonale.
Partant de Bouzonville pour rejoindre Millau..


; C'était un peu la diagonale du fou,
comme on dit aux échecs.
Mon père effectuait sa journée de travail,
installait sa famille dans la vieille 203,
et en route ! pour 850 kms,
guidés par le bonhomme Michelin.
.
... .
Mon frère et moi, étions à l'arrière,
installés dans nos hamacs.
.
Il avait un an et demi

.
et moi j'étais un gros bébé joufflu.
.
..
J'imagine ces heures qui défilent.
L'un qui pleure, et réveille l'autre.

Quand j'ouvrais les yeux
je devais être fascinée de voir, à travers la vitre,
le ciel, la lune, les étoiles,
les lumières d'une ville au loin,
un paysage à l'aube...
Et sur ces images empreintes de féerie
qui m'ont faites rêver toute ma vie,
je me rendormais.
.
Nous sommes arrivés au petit matin.
Si Mémé connaissait déjà Jean Paul,
je lui étais encore inconnue.
.
Elle m'a prise dans ses bras,
s'est penchée sur moi...
Je sens encore son souffle sur ma joue.
Elle m'a souhaité une vie riche en découvertes
comme l'avaient été ses années de jeunesse,
et la force de retomber toujours sur mes pieds
quelles que soient les difficultés de la vie.
J'ai promis de me battre pour être moi-même,
et de ne jamais baisser les bras.

Les bébés communiquent dans leur langage.
Certaines personnes le comprennent encore.
Ma grand-mère savait.
Elle a été l'une des personnes
les plus importantes de ma vie...




.

Anne





souvenirs d'enfance 

mardi 3 novembre 2009

Anne | L'enchantement du retour



ANNE



Je suis rentrée.

L'inquiétude que le charme
ne se soit éventé,
a laissé la place
au plaisir de tout retrouver intact.
.
Je vais dépoussiérer ma pièce.
J'en aime la lumière,
qui éclaire aussi nos autres vies.
C'est un lieu ou palpitent
et se croisent,
volant avec leurs petites ailes,
les souvenirs déjà écrits
que l'on relit avec bonheur tendre.
.
Et les autres...
.
Nous attendons que l'un d'eux
nous interpelle,
raconte moi !
.
Alors nous reprenons le porte-plume,
et comme pour nos rédactions d'antan,
nous tirons la langue,
nous appliquant
à traduire au mieux
le petit film qui occupe notre esprit.
Et il nous arrive tout le temps,
à l'une comme à l'autre,
d'y revenir, des mois plus tard,
changer un mot, une phrase...


samedi 19 septembre 2009

Nicole | Ramona

_____________________________
NICOLE


Ramona !
 j'ai fait un rêve merveilleux....



Tatie Toinette habitait le quartier du Rouet.
C'était une  des soeurs de mon pépé.
Elle se prénommait Antonia.
mais pour toute la famille
c'était  Antoinette,
jusqu'à   la naissance de ma mère
ou elle devint
 pour le restant de ces jours
" Tatie Toinette".
_______________________________________________
___________________________________________________________
Elle travaillait à la fabrique d'allumettes,
juste en face de sa maison.
Elle n'avait que la rue à traverser.

Toinette était mariée à tonton David .
Sur mon grand oncle mes souvenirs sont assez flous.
Je me souviens d'un homme grand, mince, plutôt discret,
mais ce dont je suis certaine c'est que tous deux m'aimaient beaucoup.
J'étais la petite fille qu'ils n'avaient jamais eu.
Je me souviens des promenades au parc Chanot
ou sous son regard protecteur
je pédalais fièrement sur les chevaux de bois
avant d'assister aux mésaventures de Guignol
dans le petit théâtre près du marchand de friandises.


_______________________________________________________
Leur maison, était toute petite.
A cette époque
les gens vivaient beaucoup dans la cuisine,
tout simplement parce la température était plus élevée
que dans les autres pièces.
L'odeur de la soupe mêlée à la chaleur de la cuisinière à charbon
emplissait mes sens en éveils et la pièce d' une douceur indéfinissable et parfumée.
Lumière chaude , qui faisait danser les petits canards de dentelles blanches
dessinés sur les rideaux,
lumière qui se reflétait en demi teintes sur une cour intérieure sombre.

Chez Tatie Toinette,
deux portes restaient mystérieusement fermées.
La " pièce noire "
ou je n'osais entrer de peur d' éveiller d'étranges créatures
et la salle à manger qui me paraissait n'être réservée qu'aux grandes personnes.

Et puis,chez Tatie il y avait autre chose !
Un chose unique et précieuse
un trésor fabuleux
qui portait le nom de
Ramona.

En réalité c'était une quelconque statuette de plâtre
sa valeur n'existait qu'à mes yeux.
Je ne sais pas d'où elle venait
peut être gagnée par mon tonton dans quelque fête foraine.
Un buste de femme au visage fin et noirci
comme ceux des petits ramoneurs
que l'on peut admirer dessinés sur les anciennes cartes postales.



Posée sur le marbre glacé de la commode de la chambre
un sourire carmin figé sur ses lèvres fines
Ramona m'attendait.
Ramona était mon amie
Tatie l'avait bien  compris.

A mon arrivée,
elle allait la chercher dans la chambre sombre et froide
pour la poser délicatement entre mes bras
"tiens la bien ma chérie pour ne pas la casser "
Oh non !
je ne l'aurais lâchée pour rien au monde.

Le lien entre Ramona et la petite fille que j'étais
appartient maintenant à l'univers magique de l'enfance.
Nos discours restent prisonniers de
ce monde que l'on ne traverse qu'une fois
et dont la porte se referme pour toujours dès qu'on l'a quitté.

Mais  le soir venu, Ramona
repartait sur le marbre glacé de la commode de la chambre
m'attendant peut être avec l'impatience de ces choses dont parle le poète
"Objets inanimés avez vous donc une âme
qui s'attache à notre âme et la force d'aimer "

Tonton David est parti le premier.
Tatie Toinette l'a rejoint quelques années après
La fabrique d'allumettes avait fermé ses portes.
A sa place on avait construit le club du 3ème âge,
ou Antoinette, petite ouvrière à la retraite se rendait chaque jour avec bonheur .
Sans doute pour la remercier de toutes ces années de labeur.
  Tatie n'aura jamais cessé de traverser sa rue !
_____________________________________________________________
Cinquante ans ont passés.
Ramona est toujours là!
Impassible, patiente, allongée  au fond d'un carton, dans l'obscurité de ma cave.
Sans doute esquisse t' elle le même sourire carmin
attendant peut être  la venue d'une autre petite fille
 pour que tout  recommence...
___________________________________________
Aujourd'hui je me plais à penser,
que dans le noir,
silencieuse et couchée
dans le fond d'un vieux carton
Elle m'attend ...
____________________________________________________
Ce soir, j'ai décidé.
___________________________________________________
Je vais aller la chercher!
_____________________________________________
Nicole








jeudi 25 juin 2009

Anne | Intermède en miroir


. 
 ..
ANNE


Ce n'est pas une coïncidence
si nous avons, l'espace d'un instant,
abandonné notre porte-plume pour un stylo..
Nous avons suivis nos traces,
de façon aussi parallèle
que des skis sur la neige.
.
Nous prenons notre temps...
Il ne suffit pas de regarder le passé
pour se mettre à raconter.
Il faut une étincelle,
un souvenir particulier
et la nécessité irrépressible de l'écrire.
Le résultat est à la mesure de l'attente ...
.J'aime cet espace que nous partageons,
que nous sommes seules à voir,
et dont j'ai imaginé le décor.
..
  Très épuré.
Des murs blancs, des fenêtres.
.
Chacune a une pièce personnelle
où l'autre n'entre pas.

Celle, beaucoup plus grande, que nous partageons
est de loin ma préférée.
Sur les murs, côte à côte,
toutes les photographies qui ont illustré nos récits.
.
Trois d'entre elles sont à part.
.
La. photo où Nicole m'a reconnue
;



 
Celles de nos maillots à smocks.


 Ils séchaient mal, 
le sable s'y trouvait à l'aise entre les plis. 
Mais pour nous c'était les plus beaux du monde,
et nous les adorions.


J'aimerai qu'on me le rende,
et avec lui les plages où nous allions. 
La Pointe Rouge, Cassis, La Ciotat, 
et celle au nom si étrange, de Cuvermer. 
Il m'a fallu des années pour comprendre 
que le David de Michel Ange qui regardait la ville 
montrait... son dos à la mer.

Il en est ainsi des mots de l'enfance, 
entendus sans les avoir lus,
et que l'on se répète plus tard 
avec une tendresse dans la voix...
Je vais refermer la porte pour plusieurs mois.
Déjà nous nous éloignons l'une de l'autre
pour éviter la souffrance d'un adieu brutal...
Tout me manquera.
Mais il me suffira en rentrant
de projeter le film à l'envers.
La porte s'ouvrira
et...



6. L'enchantement du retour



.

jeudi 28 mai 2009

Nicole | Intermède.

__________________________
NICOLE








Je n'aurais jamais pensé lorsque j'ai commencé à écrire sur ce blog
que je serais partie fouiller aussi loin dans ma mémoire.

Comme ces images gravées à tout jamais sur une pellicule,
 les impressions et les sentiments demeurent intacts
 et le film  défile avec une facilité parfois déconcertante.

Lorsque j'étais enfant,
 je croyais que ma vie se déroulait comme au cinéma.
J' étais la vedette du film.
"ON" me regardait !


L' idée peut paraître saugrenue et  singulière,
mais  elle m'a permise d'apprendre la retenue.
Il fallait que je sois toujours correcte envers les autres,
que je me tienne bien,
que je sois polie, obéissante, charitable
 et respectueuse...

Mon imagination  fantasque s'amusait à déborder
et le "monde" que j'inventais  et dans lequel j'évoluais
était sans contexte à mes yeux
exceptionnel.

Je ne peux expliquer
la raison qui me pousse à écrire tout cela  aujourd'hui !
Les mots jaillissent, se bousculent presque à mon insu
pour couler comme l'eau de la source
 de Beaumont de Pertuis, le petit village Provençal,
ou j'ai passé toutes les vacances de mon enfance 
et de mon adolescence.
_________________________________________________________
Aurais je alors compris que tout est illusoire et éphémère,
que chaque instant de magie doit être vécu comme le dernier.
Je suis tentée de dire " Pouce" à  l' implacable passage du temps
qui file entre mes doigts 
tel que  je le faisais enfant dans la cour de récréation
 lorsque je voulais arrêter le jeu.

Voici   qu'aujourd'hui
je ressens l'envie de parler de mon père qui était merveilleux,
de ma mère qui me manque terriblement,
des sauterelles que mon grand père attrapait  à la Penne  pour m'amuser,
de l'eau fraîche qui remontait du puits les jours d'été,
des berceuses que chantait ma grand mère,
et des délicieux flans aux œufs de ma  tatie Toinette.
 De toutes ces petites choses insignifiantes
 qui inexorablement 
au fil des jours
tissent  la trame d'une vie.
________________________________________________
Nicole.


5. Anne
Intermède en miroir 

clic


mercredi 27 mai 2009

Anne | Que reste t'il de tout cela...?

.
.
.
Notre école était Paroissiale,
et elle n'était séparée de son Église
que par une portion de trottoir
d'à peine quatre ou cinq maisons.
.
.
.
A l'image de ce voisinage,
la religion était partie prenante de notre vie.
C'était là, présent dans l'air que nous respirions.
.
L'affection que nous portaient les Soeurs
qui veillait sur nous,
L'Abbé Pirot que je trouvais très drôle,
cela nous parlaient plus que de long discours.

.
.
Les aller-retours entre l'école et l'église
faisaient partie de notre quotidien.
.
Et pour cette récréation supplémentaire
nous sortions en rang joyeux,
profitant du cours trajet comme d'une promenade.
Nous arrivions très vite sur la petite place,
que nous avions intégrée dans notre territoire.
Nous y étions chez nous
et c'était un espace où se côtoyaient nos deux vies.
.
La statue du Monument aux Morts .
La vitrine de la mercerie.
L'épicier qui installait son étal.
Les personnes que nous croisions
en les saluant poliment,
et qui nous répondaient d'un sourire.
Les grands arbres dont les silhouettes
variaient au fil des saisons...
.

Chaque année, en Mai
c'était Le Mois de Marie.
;
Sur l'autel un magnifique Reposoir
débordait de bouquets de fleurs blanches.
L'Église, ses portes ouvertes à deux battants
embaumait jusque sur la Place.
Tous les jours, nous quittions l'école plus tôt,
pour aller accomplir nos dévotions.
.
Sans doute s'y mêlait-il une joie toute païenne.
.Nous adorions cette période de l'année
qui précédait de peu les vacances.
L'air était doux, les platanes couverts de feuilles.
Nos vêtements, plus légers.
.
Nous avions chaussés nos sandalettes
et nos orteils enfin libres, remuaient à l'aise.
Nos cheveux étaient chahutés par un léger mistral,
qui nous fournissait une excuse,
quand nous défaisions tresses ou chignons.
C'est le vent répondions nous avec aplomb !
Ce mensonge là, il ne nous serait même pas
venu à l'idée de le confesser.
.
Etait-ce notre faute à nous
si le printemps bouleversait notre corps
et lui donnait envie de prendre son envol... ?
.
Les fleurs qu'on retrouve dans un livre
dont le parfum vous enivre
se sont envolées pourquoi ?
Que reste t'il de ces beaux jours ?
Une photo, vieille photo
de ma jeunesse.
Un p'tit village, un vieux clocher
et dans un nuage
le cher visage de mon passé...

 

lundi 25 mai 2009

Nicole | La Penne et Kinou. Une histoire d'amour....

_________________
NICOLE
______________
__________________________________



A l'arrivée des beaux jours,
mes grands parents partaient en vacances dans leur maison de campagne
à la Penne sur huveaune.

Cela se passait bien avant ma naissance !

Comme le petit Marcel dans les livres de Pagnol,
ils prenaient le tramway sur le boulevard Chave en direction d'Aubagne,
passaient devant les villages de la Pomme, Saint Marcel, la Barasse, la Millière
pour descendre enfin à l'arrêt de la Penne, les bras chargés de valises.

Le paysage que nous offre aujourd'hui cette petite commune entre Marseille et Aubagne
n'a plus rien à voir avec celui de mon enfance
et pourtant lorsque je fais un détour par là, tout me semble encore si familier.
Seuls demeurent intacts, la vieille église et le cimetière.
A leurs vues les images et les souvenirs reviennent
faisant renaître la petite fille d'antan tenant la main de sa grand mère...
_____________________________________________
A la descente du tramway,  une longue marche  commençait sous le soleil de Juillet..
Tout le paysage me paraissait soudain gigantesque.
Rassurée, heureuse protégée d'un coté par Grand maman,
ma main blottie dans la sienne et de l'autre par Grand papa portant les valises.
_______________________________________________________
Tout d'abord il fallait longer l'église du village ,
puis le vieux cimetière dont les murs donnaient sur la route.
Ils  n'étaient  pas assez hauts pour cacher les croix des tombes en "pierre de Cassis."
 et à  leur vue
Surgissait alors dans mon petit esprit une grande interrogation!
"Dis Grand maman, c'est quoi ?"
"C'est le cimetière ma petite chérie !
l' endroit ou vont se reposer les gens lorsqu'ils sont bien vieux et bien fatigués..."
un temps de silence marquait la pause .
"Dis Grand maman est ce que tu as envie d 'aller te reposer là ?"
"Le plus tard possible , ma chérie " 
répondait elle alors d'un ton qui se voulait rassurant.
__________________________________________
En ce temps là , j'avais quatre ans.
Et c'est là,  sur le chemin qui montait vers la maison des vacances
que je compris  pour la première fois qu'ils se passaient des choses mystérieuses
dont les grandes personnes n'aimaient pas trop parler.
Grand maman changeait rapidement  de sujet et l'insouciance reprenait sitôt sa place.
_______________________________________________
Passé le  mur du cimetière, nous apercevions alors  au détour du chemin la grande laiterie .
A sa vue,  je savais qu'il faudrait encore  faire une bonne petite marche avant d' arriver à la traverse Reine .
Puis qu' il faudrait emprunter le chemin caillouteux de la colline avant d'atteindre
la maison aux volets bleus.
et " le signal" du début des vacances.
_____________________________________________________________
Pas d'eau au robinet, pas d'électricité, mais peu importait!
Plus de bruit de voitures, plus la chaleur étouffante de la ville les jours d'été,
seulement la colline aux multiples senteurs, 
le chant des cigales,
la lampe à huile posée sur la table le soir venu
et l'eau fraîche du puits.

________________________________________________
Mes pensées s'attardent encore avec nostalgie sur cette petite maison qui a marquée de façon indélébile une partie de mon enfance.
Comme si elle avait tissée des liens entre cette époque qui me parait révolue
                et  pourtant encore   si proche ._ ________________________________________________
Avant ma naissance, c'était déjà le lieu des rendez vous familiaux.
Grandes fêtes, communions, anniversaires, fiançailles ,
tout se passait à la Penne.
Point d'ancrage de cousins, cousines, oncles et tantes,
témoins de l'enfance et de la jeunesse de mon père et de ma tante.
_______________________________________________________
Tous les ans, mon grand père féru de cinéma descendait le pathé baby de la "soupente" de la cuisine  pour nous faire revivre ces évènements joyeux  sur l'écran blanc,
souvenirs fixés à tout jamais sur une  pellicule.
Images sans paroles, en couleur sépia ,
que grand papa aimait accompagner au piano
pour le plus grand plaisir de tous.
_____________________________________________________
Cette maison mon père l'aimait!
Même à la fin de sa vie, à sa seule évocation surgissait ,
dans ses yeux   une petite étincelle
comme si tout à coup le petit garçon qu'il avait été
revenait là, pour me raconter.
Les images magiques se déroulaient alors sur l'écran  de mon imagination
comme au cinéma lorsque les lumières s'éteignent.
 Son enfance, ses parents, son adolescence ,
il me les racontait inlassablement  comme s'il venait de les  les découvrir lui même.

Cette maison d'enfance je l'avais faite mienne,
comme si dans ses vieux murs de pierre
je ressentais encore la joie de tous ces rires que je n'avais pas connus.
Maintenant, c'était à  mon tour!
avec bienveillance  elle m'invitait à sa table.
________________________________________________________
Temps lointain  ou  une  petite fille insouciante
courait  dans la colline en criant
"Pierre, Pierre je suis là !"


"Pierre, Pierre"
était le fils cadet d'une famille du village et sûrement en ce temps là
mon premier compagnon de jeux.
Sa maison se trouvait au début de la traverse Reine.
Des volets bleus du premier étage ,
on pouvait l'apercevoir au travers des grands pins.
Ses parents y vivaient toute l'année.
Mais lorsque approchait le temps des vacances,
Pierre savait que j'allais arriver.



Le chien que j'aimais s'appelait "Kinou ".
 J'ai toujours pensé qu'il était mien!

 Tata et Loulou, des amis à mes parents,
 étaient ses  maîtres.
.




En âge de "chien"
nous étions jumeaux !
mais ce que je ne savais pas encore,
c'est qu'il allait devenir  bien vite  plus grand que moi
et que le temps passant,
nous serions  bientôt inséparables.
Comment décrire l'attachement de ce chien envers cette petite fille,
à qui il laissait des prérogatives interdites aux grandes personnes,
qui pouvait lui mettre la main dans la gueule sans qu'il ne  la referme de peur de la blesser
et qu'il excusait de ses bêtises en grognant après ceux qui la grondait.
Bien sur à cette époque je n'en avais pas  vraiment conscience , 
tout cela m'a été rapporté.


Puis vint l'heure de la séparation lors de  notre départ pour Sète
ou nous allions désormais résider pendant 4 années
avant notre retour à Marseille.
La perte de ce petit compagnon ajoutée au chagrin de l'éloignement 
avec  mes grands parents fut difficile.




Mais je vais dire un secret.
Les chiens n'oublient jamais...
 leur attachement est sans faille.
Seul compte la joie de l'instant et celui des retrouvailles.
Malgré l'éloignement ,
 à quatre ans  je savais   déjà
 que je resterais son amie pour toute la vie.




____________________________________________________
Des années plus tard,
un autre" Kinou " trouvé  par mon père parti à la chasse
 dans les collines de Beaumont de Pertuis viendra trouver refuge chez nous.
Sans doute pour faire revivre le premier !



Mais ceci est  une autre histoire ...


Nicole