lundi 19 décembre 2011

Anne | L'année de mes 13 ans

ANNE

ANNE

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  J'étais une enfant exclue du monde des adultes,
pourtant, toujours curieuse de ce qu'ils disaient.

C'est ainsi que j'ai su.
Ma grand-mère maternelle, était à l'hôpital.  
C'était grave.
  Ma mère partait souvent. 
Le téléphone sonnait, j'écoutais. 

 Un matin, il a sonné très tôt.
J'ai compris tout de suite. 
C'était une situation étrange.
Je savais, et je ne pleurais pas.
Je crois que j'attendais les mots,
et que l'on me console.

 Rien n'est venu.
J'ai entendu parler mes parents.
Ils se demandaient
si j'allais venir à l'enterrement.
Non.
Je resterai avec mon petit frère.

C'est ainsi, accompagnée de ce silence,
que j'ai passé les deux jours suivants
avec François qui avait 5 ans.

Tout ce dont je me souviens,
c'est qu'avec l'argent laissé par mon père,
je n'ai rien acheté
qui puisse servir à préparer un repas.
 J'ai fait des petits cakes avec une préparation Alsa.
Ils avaient un goût affreux. 

 Nous avons dormi, serrés l'un contre l'autre,
dans le lit de mes parents.
Nous étions terrorisés.
 Le lendemain, 
nous ne nous sommes pas levés.
J'ai mélangé du coca-cola
avec de la crème de marrons,
et nous avons mangé ça.
C'était immangeable, mais nous l'avons mangé. 

Mes parents sont rentrés.
Et rien ne fut dit.
 L'été qui suivit,
nous avons retrouvé la maison, sans elle.

Je sens encore le poids
de ces larmes  
que l'on a pas laissé couler.

Je sais,
qu'elle,
elle m'aurait prise dans ses bras,
et serré si fort que j'aurai eu mal.
Et ce mal m'aurait fait du bien.

 



 Anne

jeudi 17 novembre 2011

Nicole | Lettre à ma Tante et Marraine




Manou

Tu as beaucoup souffert, je le sais !
Auprès de toi tous les jours, je souffrais aussi...
Sur ton visage, je voyais s’imprimer les ravages de la souffrance que ton corps malade te faisait subir.
Ton sourire avait disparu pour laisser place à des gémissements.

Tu avais peur et je ne savais que dire .
J’en arrivais à maudire mon impuissance.

Hier, j’ai voulu te lire un texte du « Prions en Église » que tu aimais tant,
 je pensais que la lecture d’une prière t’apaiserait.
J’ai ouvert le livre au hasard.
 je suis tombée sur ce si beau texte
 « le Seigneur est mon Berger …dans les verts pâturages il me fait reposer «
Je ne suis pas parvenue à le lire.
L’émotion était si forte que mes mots sont restés bloqués au fond de ma gorge.

Tu avais les yeux clos.
Je me suis détourné de ton regard pour pleurer en silence.

C’est à cet instant que j’ai senti ta main glisser sur mon bras
 et c’est toi qui as pris ma main pour la garder dans la tienne.

Les mots étaient devenus soudain inutiles et dérisoires.

Nous sommes restées longtemps ainsi.
C’était un jour de grâce …
 Tu étais prête !
Manou, je t’aime !


Tu vois, aujourd’hui nous sommes tous ici rassemblés autour de toi,
 ta famille, neveu, petits neveux, petites nièces, tes amies et amis,
 tous ceux que tu connaissais et à qui un jour ou l’autre tu as apporté un peu de réconfort,
ceux que tu ne connaissais pas et qui sont aussi présents  à ton "Saint Mich " ta paroisse 
comme tu aimais le dire et que tu aimais tant.
Un jour tu m'as dit  que c’était cela qui te maintenait en vie …

Ton métier d’enseignante, tu l’as exercé avec une rigueur et une conscience exemplaire
 tout cela je le sais pour avoir lu beaucoup de lettres de remerciements de tes élèves.

Voilà Manou,
 je pourrais parler de toi encore pendant des heures.
 Maintenant nous sommes tous là près de toi pour t’accompagner jusqu’au bout du chemin
vers cet Autre…ou je le sais
 tu nous attendras.

Nicole








vendredi 18 mars 2011

Anne | Le prix de la Victoire


A
ANNE

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C'était un cours d'Histoire comme les autres. 

J'avais 12 ou 13 ans. Écoutant d'une oreille distraite, cette voix monocorde qui endormait toute la classe.
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Et soudain ce fut le choc. 

Jamais je n'oublierai cette image.
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Quelques secondes auparavant, sur cette place, des enfants jouaient, des amoureux se regardaient dans les yeux, il y avait un jardin, des chants d'oiseaux...

Et puis une Bombe Atomique avait semé la mort.
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De la vie, il restait une sorte de photographie sur un mur. Une silhouette qui en se désintégrant avait laissé... quoi ?
Comment nommer cette horreur.

Le professeur continuait, la deuxième bombe fut lancée trois jours plus tard, le Japon a capitulé, la Seconde Guerre Mondiale était ENFIN terminée.
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J'entends encore l'espèce d'envolée lyrique qui accompagnait cet ENFIN.
Et moi c'est l'ENFER que j'ai vu. 
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Je savais peu de choses sur la Vie.
Nous ne recevions pas une éducation destinée à confronter nos idées avec les adultes.
Nos mondes étaient séparés. Les questions  recevaient souvent comme réponse, tu comprendras quand tu seras grande.

Hiroshima, sa bombe dont le nom était Little boy, et Nagasaki.
Ce fut le prix de la Victoire, et la preuve que l'homme pouvait devenir fou et assassiner des villes entières.

Sans le savoir, ce jour-là, j'ai appris que toujours, il me faudrait décider.
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Être pour.
Être contre.
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Ne pas rester les bras croisés sans rien dire.
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Choisir son camp... TOUJOURS.

Anne


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jeudi 10 mars 2011

Nicole | L' homme au pardessus beige.




NICOLE



Je ne savais jamais ou il serait l'homme au pardessus beige .
Il surgissait parfois de nulle part sur le chemin  de  mon école.
Souvent  je l'entendais avant même  de l'apercevoir,
  et  parfois  ce fut l'inverse.

Il criait    "A bas les Français d'une voix rauque et  tonitruante. 
Les enfants se moquaient de lui, 
  les parents changeaient de trottoir, 
baissaient les yeux,
 il ne fallait pas le voir !

Je ne sais ou il dormait l'homme au pardessus beige

 dans la rue peut être...
ou bien nulle part !

Parfois , il  attendait devant la petite porte de l'école
 le morceau de pain et de jambon que lui avait préparé   Sœur Marie Monique 
dans le silence du réfectoire vide.  
  Puis,  toujours d'un pas mal assuré
 il repartait,  
titubant   vers ce  nulle part...
  Son nouveau  toit.

Il était immense dans son pardessus beige 
 et  pourtant  il semblait  si  fragile, si vulnérable .
Il avait tout perdu.
 Famille, femme, enfants pendant cette satanée guerre d'Algérie. 
Il ne lui restait plus rien, 
seulement comme compagne cette bouteille vide  posée à ses  cotés  
et cette voix  forte  pour hurler  sa détresse...

Il s'appelait Charlie  l' homme au pardessus beige. 
Et  ce jour là,
sans doute  pour la première fois,
 la réalité de la vie me sautât cruellement   au visage...



Nicole.

En mémoire à Charlie le premier SDF
 que je connus sur le chemin de mon école.