vendredi 18 mars 2011

Anne | Le prix de la Victoire


A
ANNE

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C'était un cours d'Histoire comme les autres. 

J'avais 12 ou 13 ans. Écoutant d'une oreille distraite, cette voix monocorde qui endormait toute la classe.
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Et soudain ce fut le choc. 

Jamais je n'oublierai cette image.
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Quelques secondes auparavant, sur cette place, des enfants jouaient, des amoureux se regardaient dans les yeux, il y avait un jardin, des chants d'oiseaux...

Et puis une Bombe Atomique avait semé la mort.
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De la vie, il restait une sorte de photographie sur un mur. Une silhouette qui en se désintégrant avait laissé... quoi ?
Comment nommer cette horreur.

Le professeur continuait, la deuxième bombe fut lancée trois jours plus tard, le Japon a capitulé, la Seconde Guerre Mondiale était ENFIN terminée.
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J'entends encore l'espèce d'envolée lyrique qui accompagnait cet ENFIN.
Et moi c'est l'ENFER que j'ai vu. 
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Je savais peu de choses sur la Vie.
Nous ne recevions pas une éducation destinée à confronter nos idées avec les adultes.
Nos mondes étaient séparés. Les questions  recevaient souvent comme réponse, tu comprendras quand tu seras grande.

Hiroshima, sa bombe dont le nom était Little boy, et Nagasaki.
Ce fut le prix de la Victoire, et la preuve que l'homme pouvait devenir fou et assassiner des villes entières.

Sans le savoir, ce jour-là, j'ai appris que toujours, il me faudrait décider.
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Être pour.
Être contre.
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Ne pas rester les bras croisés sans rien dire.
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Choisir son camp... TOUJOURS.

Anne


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jeudi 10 mars 2011

Nicole | L' homme au pardessus beige.




NICOLE



Je ne savais jamais ou il serait l'homme au pardessus beige .
Il surgissait parfois de nulle part sur le chemin  de  mon école.
Souvent  je l'entendais avant même  de l'apercevoir,
  et  parfois  ce fut l'inverse.

Il criait    "A bas les Français d'une voix rauque et  tonitruante. 
Les enfants se moquaient de lui, 
  les parents changeaient de trottoir, 
baissaient les yeux,
 il ne fallait pas le voir !

Je ne sais ou il dormait l'homme au pardessus beige

 dans la rue peut être...
ou bien nulle part !

Parfois , il  attendait devant la petite porte de l'école
 le morceau de pain et de jambon que lui avait préparé   Sœur Marie Monique 
dans le silence du réfectoire vide.  
  Puis,  toujours d'un pas mal assuré
 il repartait,  
titubant   vers ce  nulle part...
  Son nouveau  toit.

Il était immense dans son pardessus beige 
 et  pourtant  il semblait  si  fragile, si vulnérable .
Il avait tout perdu.
 Famille, femme, enfants pendant cette satanée guerre d'Algérie. 
Il ne lui restait plus rien, 
seulement comme compagne cette bouteille vide  posée à ses  cotés  
et cette voix  forte  pour hurler  sa détresse...

Il s'appelait Charlie  l' homme au pardessus beige. 
Et  ce jour là,
sans doute  pour la première fois,
 la réalité de la vie me sautât cruellement   au visage...



Nicole.

En mémoire à Charlie le premier SDF
 que je connus sur le chemin de mon école.