jeudi 25 juin 2009

Anne | Intermède en miroir


. 
 ..
ANNE


Ce n'est pas une coïncidence
si nous avons, l'espace d'un instant,
abandonné notre porte-plume pour un stylo..
Nous avons suivis nos traces,
de façon aussi parallèle
que des skis sur la neige.
.
Nous prenons notre temps...
Il ne suffit pas de regarder le passé
pour se mettre à raconter.
Il faut une étincelle,
un souvenir particulier
et la nécessité irrépressible de l'écrire.
Le résultat est à la mesure de l'attente ...
.J'aime cet espace que nous partageons,
que nous sommes seules à voir,
et dont j'ai imaginé le décor.
..
  Très épuré.
Des murs blancs, des fenêtres.
.
Chacune a une pièce personnelle
où l'autre n'entre pas.

Celle, beaucoup plus grande, que nous partageons
est de loin ma préférée.
Sur les murs, côte à côte,
toutes les photographies qui ont illustré nos récits.
.
Trois d'entre elles sont à part.
.
La. photo où Nicole m'a reconnue
;



 
Celles de nos maillots à smocks.


 Ils séchaient mal, 
le sable s'y trouvait à l'aise entre les plis. 
Mais pour nous c'était les plus beaux du monde,
et nous les adorions.


J'aimerai qu'on me le rende,
et avec lui les plages où nous allions. 
La Pointe Rouge, Cassis, La Ciotat, 
et celle au nom si étrange, de Cuvermer. 
Il m'a fallu des années pour comprendre 
que le David de Michel Ange qui regardait la ville 
montrait... son dos à la mer.

Il en est ainsi des mots de l'enfance, 
entendus sans les avoir lus,
et que l'on se répète plus tard 
avec une tendresse dans la voix...
Je vais refermer la porte pour plusieurs mois.
Déjà nous nous éloignons l'une de l'autre
pour éviter la souffrance d'un adieu brutal...
Tout me manquera.
Mais il me suffira en rentrant
de projeter le film à l'envers.
La porte s'ouvrira
et...



6. L'enchantement du retour



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jeudi 28 mai 2009

Nicole | Intermède.

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NICOLE








Je n'aurais jamais pensé lorsque j'ai commencé à écrire sur ce blog
que je serais partie fouiller aussi loin dans ma mémoire.

Comme ces images gravées à tout jamais sur une pellicule,
 les impressions et les sentiments demeurent intacts
 et le film  défile avec une facilité parfois déconcertante.

Lorsque j'étais enfant,
 je croyais que ma vie se déroulait comme au cinéma.
J' étais la vedette du film.
"ON" me regardait !


L' idée peut paraître saugrenue et  singulière,
mais  elle m'a permise d'apprendre la retenue.
Il fallait que je sois toujours correcte envers les autres,
que je me tienne bien,
que je sois polie, obéissante, charitable
 et respectueuse...

Mon imagination  fantasque s'amusait à déborder
et le "monde" que j'inventais  et dans lequel j'évoluais
était sans contexte à mes yeux
exceptionnel.

Je ne peux expliquer
la raison qui me pousse à écrire tout cela  aujourd'hui !
Les mots jaillissent, se bousculent presque à mon insu
pour couler comme l'eau de la source
 de Beaumont de Pertuis, le petit village Provençal,
ou j'ai passé toutes les vacances de mon enfance 
et de mon adolescence.
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Aurais je alors compris que tout est illusoire et éphémère,
que chaque instant de magie doit être vécu comme le dernier.
Je suis tentée de dire " Pouce" à  l' implacable passage du temps
qui file entre mes doigts 
tel que  je le faisais enfant dans la cour de récréation
 lorsque je voulais arrêter le jeu.

Voici   qu'aujourd'hui
je ressens l'envie de parler de mon père qui était merveilleux,
de ma mère qui me manque terriblement,
des sauterelles que mon grand père attrapait  à la Penne  pour m'amuser,
de l'eau fraîche qui remontait du puits les jours d'été,
des berceuses que chantait ma grand mère,
et des délicieux flans aux œufs de ma  tatie Toinette.
 De toutes ces petites choses insignifiantes
 qui inexorablement 
au fil des jours
tissent  la trame d'une vie.
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Nicole.


5. Anne
Intermède en miroir 

clic


mercredi 27 mai 2009

Anne | Que reste t'il de tout cela...?

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Notre école était Paroissiale,
et elle n'était séparée de son Église
que par une portion de trottoir
d'à peine quatre ou cinq maisons.
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A l'image de ce voisinage,
la religion était partie prenante de notre vie.
C'était là, présent dans l'air que nous respirions.
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L'affection que nous portaient les Soeurs
qui veillait sur nous,
L'Abbé Pirot que je trouvais très drôle,
cela nous parlaient plus que de long discours.

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Les aller-retours entre l'école et l'église
faisaient partie de notre quotidien.
.
Et pour cette récréation supplémentaire
nous sortions en rang joyeux,
profitant du cours trajet comme d'une promenade.
Nous arrivions très vite sur la petite place,
que nous avions intégrée dans notre territoire.
Nous y étions chez nous
et c'était un espace où se côtoyaient nos deux vies.
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La statue du Monument aux Morts .
La vitrine de la mercerie.
L'épicier qui installait son étal.
Les personnes que nous croisions
en les saluant poliment,
et qui nous répondaient d'un sourire.
Les grands arbres dont les silhouettes
variaient au fil des saisons...
.

Chaque année, en Mai
c'était Le Mois de Marie.
;
Sur l'autel un magnifique Reposoir
débordait de bouquets de fleurs blanches.
L'Église, ses portes ouvertes à deux battants
embaumait jusque sur la Place.
Tous les jours, nous quittions l'école plus tôt,
pour aller accomplir nos dévotions.
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Sans doute s'y mêlait-il une joie toute païenne.
.Nous adorions cette période de l'année
qui précédait de peu les vacances.
L'air était doux, les platanes couverts de feuilles.
Nos vêtements, plus légers.
.
Nous avions chaussés nos sandalettes
et nos orteils enfin libres, remuaient à l'aise.
Nos cheveux étaient chahutés par un léger mistral,
qui nous fournissait une excuse,
quand nous défaisions tresses ou chignons.
C'est le vent répondions nous avec aplomb !
Ce mensonge là, il ne nous serait même pas
venu à l'idée de le confesser.
.
Etait-ce notre faute à nous
si le printemps bouleversait notre corps
et lui donnait envie de prendre son envol... ?
.
Les fleurs qu'on retrouve dans un livre
dont le parfum vous enivre
se sont envolées pourquoi ?
Que reste t'il de ces beaux jours ?
Une photo, vieille photo
de ma jeunesse.
Un p'tit village, un vieux clocher
et dans un nuage
le cher visage de mon passé...

 

lundi 25 mai 2009

Nicole | La Penne et Kinou. Une histoire d'amour....

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NICOLE
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A l'arrivée des beaux jours,
mes grands parents partaient en vacances dans leur maison de campagne
à la Penne sur huveaune.

Cela se passait bien avant ma naissance !

Comme le petit Marcel dans les livres de Pagnol,
ils prenaient le tramway sur le boulevard Chave en direction d'Aubagne,
passaient devant les villages de la Pomme, Saint Marcel, la Barasse, la Millière
pour descendre enfin à l'arrêt de la Penne, les bras chargés de valises.

Le paysage que nous offre aujourd'hui cette petite commune entre Marseille et Aubagne
n'a plus rien à voir avec celui de mon enfance
et pourtant lorsque je fais un détour par là, tout me semble encore si familier.
Seuls demeurent intacts, la vieille église et le cimetière.
A leurs vues les images et les souvenirs reviennent
faisant renaître la petite fille d'antan tenant la main de sa grand mère...
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A la descente du tramway,  une longue marche  commençait sous le soleil de Juillet..
Tout le paysage me paraissait soudain gigantesque.
Rassurée, heureuse protégée d'un coté par Grand maman,
ma main blottie dans la sienne et de l'autre par Grand papa portant les valises.
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Tout d'abord il fallait longer l'église du village ,
puis le vieux cimetière dont les murs donnaient sur la route.
Ils  n'étaient  pas assez hauts pour cacher les croix des tombes en "pierre de Cassis."
 et à  leur vue
Surgissait alors dans mon petit esprit une grande interrogation!
"Dis Grand maman, c'est quoi ?"
"C'est le cimetière ma petite chérie !
l' endroit ou vont se reposer les gens lorsqu'ils sont bien vieux et bien fatigués..."
un temps de silence marquait la pause .
"Dis Grand maman est ce que tu as envie d 'aller te reposer là ?"
"Le plus tard possible , ma chérie " 
répondait elle alors d'un ton qui se voulait rassurant.
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En ce temps là , j'avais quatre ans.
Et c'est là,  sur le chemin qui montait vers la maison des vacances
que je compris  pour la première fois qu'ils se passaient des choses mystérieuses
dont les grandes personnes n'aimaient pas trop parler.
Grand maman changeait rapidement  de sujet et l'insouciance reprenait sitôt sa place.
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Passé le  mur du cimetière, nous apercevions alors  au détour du chemin la grande laiterie .
A sa vue,  je savais qu'il faudrait encore  faire une bonne petite marche avant d' arriver à la traverse Reine .
Puis qu' il faudrait emprunter le chemin caillouteux de la colline avant d'atteindre
la maison aux volets bleus.
et " le signal" du début des vacances.
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Pas d'eau au robinet, pas d'électricité, mais peu importait!
Plus de bruit de voitures, plus la chaleur étouffante de la ville les jours d'été,
seulement la colline aux multiples senteurs, 
le chant des cigales,
la lampe à huile posée sur la table le soir venu
et l'eau fraîche du puits.

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Mes pensées s'attardent encore avec nostalgie sur cette petite maison qui a marquée de façon indélébile une partie de mon enfance.
Comme si elle avait tissée des liens entre cette époque qui  aujourd'hui me parait révolue
                et  pourtant encore   si proche ._ ________________________________________________
Avant ma naissance, c'était déjà le lieu des rendez vous familiaux.
Grandes fêtes, communions, anniversaires, fiançailles ,
tout se passait à la Penne.
Point d'ancrage de cousins, cousines, oncles et tantes,
témoins de l'enfance et de la jeunesse de mon père et de ma tante.
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Tous les ans, mon grand papa  féru de cinéma descendait le projecteur pathe baby de la "soupente" de la cuisine  pour nous faire revivre ces évènements joyeux  sur l'écran blanc.
Souvenirs fixés à tout jamais sur une  pellicule.
Images sans paroles, en couleur sépia ,
que grand papa aimait accompagner au piano
pour le plus grand plaisir de tous.
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Cette maison mon père l'aimait!
Même à la fin de sa vie, à sa seule évocation surgissait ,
dans ses yeux   une petite étincelle
comme si tout à coup le petit garçon qu'il avait été
revenait là, pour me raconter.
Les images magiques se déroulaient alors sur l'écran  de mon imagination
comme au cinéma lorsque les lumières s'éteignent.
 Son enfance, ses parents, son adolescence ,
il me les racontait inlassablement  comme s'il venait de   les  redécouvrir lui même.

Cette maison d'enfance je l'avais faite mienne,
comme si dans ses vieux murs de pierre
je ressentais encore la joie de tous ces rires que je n'avais pas connus.
Maintenant, c'était à  mon tour!
avec bienveillance  elle m'invitait à sa table.
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Temps lointain  ou  une  petite fille insouciante
courait  dans la colline en criant
"Pierre, Pierre je suis là !"



"Pierre, Pierre"
était le fils cadet d'une famille du village de la Penne  et sûrement en ce temps là
mon premier compagnon de jeux.
Sa maison se trouvait au début de la traverse Reine.
Des volets bleus du premier étage ,
on pouvait l'apercevoir au travers des grands pins.
Ses parents y vivaient toute l'année.
Mais lorsque approchait le temps des vacances,
Pierre savait que j'allais arriver.




Le chien que j'aimais s'appelait "Kinou ".
 J'ai toujours pensé qu'il était mien.

Tata et Loulou étaient ses maitres 
des Amis proches de mes parents. 
.




En âge de "chien"
nous étions jumeaux !
mais ce que je ne savais pas encore,
c'est qu'il allait devenir  bien vite  plus grand que moi
et que le temps passant,
nous serions  bientôt inséparables.
Comment décrire l'attachement de ce chien envers cette petite fille,
à qui il laissait des prérogatives interdites aux grandes personnes,
qui pouvait lui mettre la main dans la gueule sans qu'il ne  la referme de peur de la blesser
et qu'il excusait de ses bêtises en grognant après ceux qui la grondait.
Bien sur à cette époque je n'en avais pas  vraiment conscience , 
tout cela m'a été rapporté.


Puis vint l'heure de la séparation lors de  notre départ pour Sète
ou nous allions désormais résider pendant 4 années
avant notre retour à Marseille.
La perte de ce petit compagnon ajoutée au chagrin de l'éloignement 
avec  mes grands parents fut difficile.




Mais je vais dire un secret.
Les chiens n'oublient jamais, leur attachement est sans faille.
Seul compte la joie de l'instant et celui des retrouvailles.

Malgré l'éloignement ,
 à quatre ans  je savais   déjà
 que je resterais son amie pour toute la vie.




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Des années bien  plus tard,
j'avais alors 12 ans 
un autre" Kinou " trouvé  par mon père parti à la chasse
 dans les collines de Beaumont de Pertuis viendra trouver refuge chez nous.

Sans doute pour faire revivre le premier !



Mais ceci est  encore  une autre histoire .


Nicole





mardi 21 avril 2009

Anne | MON Livre de Lecture !

..
Depuis notre arrivée à Marseille,
la vie était vraiment des vacances,
mais elles semblaient sans fin.
On m'avait acheté un beau cartable en cuir,
une ardoise avec une petite éponge,
et un plumier décoré d'une jolie gravure.
Je ne ce cessais de les contempler,
en guettant avec une impatience 
qui allait en s'amplifiant,
le jour de ma rentrée à la Grande École.
.
En faisant mes premiers pas dans la cour,
je fus à la fois déçue et ravie.
Déçue parce que je ne voyais pas de différence
avec mon ancienne école,
et ravie pour les mêmes raisons.
Nous étions beaucoup plus nombreuses,
mais l'atmosphère était à l'identique,
chaleureuse et familiale.
.
C'est en rentrant dans la salle de classe
que je pus enfin savourer ma fierté.
Au lieu du joyeux tohu-bohu de l'an passé,
nous nous sommes installées
chacune devant un pupitre à soi.
Mademoiselle Fleury
qui semblait toute contente d'être là avec nous,
distribua les cahiers et le livre de lecture.
Je le reçus comme un cadeau précieux.
Et il devint, sans me lasser jamais,
le fidèle compagnon de ma 11ème..
.
.
Je le ramenais à la maison,
me dépêchant de faire la leçon aux deux petits.
Il est interdit d'y toucher
et d'abord c'est pour mon travail !

Les choses mises au point 

j'écourtais mon goûter,
pour regarder MON livre.
.  

J'étais fascinée par sa couverture. 
Bien qu'elle fut vite cachée
par le papier bleu 

qui protégeait nos livres de classe,
elle s'est gravée dans ma mémoire
avec une précision photographique.
.
Ces deux enfants 

assis dans l'herbe sous un pommier,
je leur ressemblais.
Nous étions tous les trois en train de lire
pour le plaisir,
après la classe.

 .  
Mais c'est un détail particulier qui me médusa.
La petite fille tient son livre de telle façon,
que l'on peut voir sur la couverture
la même petite fille y lire le même livre,
et en regardant attentivement
on peut en distinguer une troisième
puis une quatrième...
C'est ainsi que je fis connaissance avec
le mystère de l'infini. 

 
. En retrouvant mon livre bien des années après,
j'ai tourné les pages le cœur battant.
Allais-je revoir avec le même enchantement
celle qui fut ma préférée ?

 
.
C'était un son dont je voulais vérifier la présence.
Clé ma ti te.
Un son qui n'appartenait qu'à moi,
et que je n'associais à aucune image.
lI était rare, secret comme une bille en verre,
et teinté de mystère.
Je ne savais pas que d'autres petites filles
pouvaient faire la même chose.
Et j'ai été aux anges quand plus tard,
j'ai découvert en lisant Colette,
l'histoire de Bel Gazou et de son presbytère.

.


.
J'avais une autre raison d'adorer cette page.
La maison que l'on y voyait ressemblait
à celle d'une compagne de classe.
Appelons la Emma...
Elle ne m'aimait pas, je le lui rendais bien.
Elle m'avait joué un sale tour 

que je n'ai jamais oublié.
Plus que sa maison,
ce qui rendait précieux ce souvenir, c'était sa rue.
L'Allée des buis.
.
Elle formait avec le boulevard Marin
la fin de mon itinéraire favori.
Deux rues minuscules bordées de petites maisons.
Mais si le boulevard Marin 

était sans charme particulier,
l'Allée des buis méritait bien son nom.
Elle croulait sous la verdure.
Platanes et tilleuls centenaires,
bosquets fleuris dont les couleurs et les senteurs
se mêlaient avec nonchalance.
C'est dans cette rue que je découvris le Seringua
son parfum délicat,
ses fleurs d'un dessin parfait,
et la pluie de pétales qui formaient un tapis
sur lequel je n'osais marcher.

.



.Cette Ronde qui symboliquement achève le livre
je la relisais souvent.
Elle créait en moi le même frisson que le
Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté 

que l'Ange Boufaréou lançait à travers le ciel
à la fin de la Pastorale des Santons.

.
.
Il y a dans les souvenirs
liés à la lecture de mes deux premiers livres,
quelque chose de très troublant.
On pourrait l'intituler emphatiquement,
de l'influence des premières images
sur la construction de la personnalité.

 
.Dans Gédéon,
l'identification à ce personnage et à sa différence,
la solitude qu'elle entraîne,
mais aussi la richesse qu'elle représente.
Et puis j'ai toujours été envoûtée
par le clair-obscur de la nuit,

la lune, les paysages en ombres chinoises
où se détache l'intérieur éclairé des maisons.

.
Sur la couverture de mon livre de lecture
le dessin reproduit de plus en plus petit à l'infini,
représente pour moi, 

un passage secret vers un ailleurs
que, je le pressentais, tous ne cherchaient pas.
Cet abri m'a permis de m'identifier,
et d'habiter l'âme de ceux qui me touche.
La Ronde, elle, m'a sensibilisée à l'idée 

d'un monde où chacun aurait sa place,
et m'a rendu intransigeante face à l'injustice.

.
Enfin, si l'un de mes plus grands plaisirs
est d'avoir un bon livre entre les mains,
un plaisir plus grand encore
est de le lire allongée dans l'herbe.
Et si en plus c'est sous un pommier,
que je n'ai qu'à tendre la main
pour pouvoir croquer mon fruit préféré,
je suis au paradis
et seul un serpent pourrait m'en déloger !
Tiens c'est bizarre, cela me rappelle quelque chose.
J'ai déjà dû lire ça quelque part...



mardi 31 mars 2009

Il était une fois...

1. Planter le décor


L'histoire commence ici,
devant la porte de cette petite école
dont nous avons toute notre vie,
conservé un souvenir lumineux.
Le jour, où séparément,
et sans nous connaitre,
nous en avons franchi le seuil,
nous étions loin de nous douter
que par la magie
d'une bouteille jetée à la mer,
ce passé allait revivre.
Éternelle jeunesse restée intacte.

École Sainte Anne
18 rue Thieux
Marseille 8ème.

Ce fut la clé pour évoquer
ce qui ressemble aux pièces d'un puzzle.
Une génération un peu spéciale 
qui a grandi dans les années 50 et 60.

Ces images qui émergent, l'une après l'autre, 
comme de petites iles,
vous ferons voyager dans le temps et dans l'espace.
L'école, notre quartier, 
ceux qui nous sont chers, 
nos livres, nos bêtises,
nos souvenirs de vacances, 
les endroits qui nous ont vu grandir 
et nous ont gardées en mémoire... 


2. Nicole et Anne





Nicole | Le Passeport.

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NICOLE
Cette photo figure sur le passeport de ma mère
à coté de la sienne.
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Dans les années 50,
c'était une formalité obligatoire pour aller en Italie.
A cette époque,
ma grand mère maternelle était déjà atteinte par la maladie de Parkinson
et la charge d'une personne dépendante était devenue bien trop lourde pour mon pépé.
Ce fut en grande partie la cause de notre retour à Marseille en 1953,
après quatre années passées à Sète.
Ma mère désirait  être auprès de la sienne.
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Cet été là, nous devions tous partir en Italie.
Pour mes grands parents maternels c'était un retour vers leurs racines.
Pour mon petit frère et moi
c'était la première fois !
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Maman décida donc de m'emmener chez le photographe
pour faire la photo du nouveau passeport .
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je n'aimais pas cela !
Prendre la pose , sourire à la commande,
ne me convenait guère.
Et puis cela aurait sans doute été un moindre mal,
si comme d'habitude,
lorsque je sortais en promenade avec maman
j'avais pu emmener mon poupon Alain.
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Ce jour là, catégorique,
ma mère refusa jugeant sans doute  Alain trop encombrant. 
Vexée, je ruminais  en silence tout le long du chemin
quelle pourrait  être ma vengeance.
Une idée ne tarda pas à me sourire !
J'allais saboter la photo...
Je n'aurai qu'à attendre l' instant bref
ou le photographe, caché derrière sa grosse boite noire, me dirait
" Fais moi  un joli sourire , le petit oiseau va sortir !"
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_Savourant cette idée avec une  certaine  jubilation 
Je présenterai ainsi  à la postérité,
à l'instant fatidique ou le flash jaillirait de la drôle de machine,
le portrait inédit de ce que ma mère nommait
ma " Mauvaise tête ".
Pinçant les lèvres  de toutes mes forces 
afin de n'esquisser aucun  sourire,
j'offris à ce moment là  au photographe
le visage de ma revanche.
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Quelques jours plus tard
maman revint  brandissant  la photo,
sans doute amusée par ce portrait insolite,
me prévint gentiment.
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_"Nicole !
 nous retournerons demain  chez le photographe.
 tu vois ! cette photo je vais la garder ,et  lorsque tu seras une  grande fille ,
je la montrerai à ton fiancé.
Comme cela il aura un aperçu du spécimen qu'il va prendre  "
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Mais peu m'importait 
cette menace ne me préoccupait guère!
j'aimais mille fois plus mon poupon Alain...
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Le lendemain,
nous sommes reparties toutes deux chez le photographe
Alain cette fois nous a accompagné.
La seconde photo fut  faite et le photographe obtint ce jour là  mon plus beau sourire 

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Ce qu'il advint de la photo ?
Ma mère l'a rangée soigneusement dans un coffret.
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Bénéficiant sans doute
de  l'indulgence maternelle,
je n'eus jamais à rougir devant un futur prétendant
de mon évidente mauvaise humeur.
Maman,
L'avait elle vraiment oubliée ?
ou bien s'était elle souvenue qu'à dix ans
elle  aussi était la championne
de tous les concours de grimaces de son quartier.
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Hier, lorsque je l'ai retrouvée
au milieu de toutes les photos de famille
sur mon visage s'est dessiné
un sourire amusé empreint d'une indéfinissable  nostalgie...
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