A l'arrivée des beaux jours,
mes grands parents partaient en vacances dans leur maison de campagne
à la Penne sur huveaune.
Cela se passait bien avant ma naissance !
Comme le petit Marcel dans les livres de Pagnol,
ils prenaient le tramway sur le boulevard Chave en direction d'Aubagne,
passaient devant les villages de la Pomme, Saint Marcel, la Barasse, la Millière
pour descendre enfin à l'arrêt de la Penne, les bras chargés de valises.
Le paysage que nous offre aujourd'hui cette petite commune entre Marseille et Aubagne
n'a plus rien à voir avec celui de mon enfance
et pourtant lorsque je fais un détour par là, tout me semble encore si familier.
Seuls demeurent intacts, la vieille église et le cimetière.
A leurs vues les images et les souvenirs reviennent
faisant renaître la petite fille d'antan tenant la main de sa grand mère...
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A la descente du tramway, une longue marche commencait sous le soleil de Juillet..
Tout le paysage me paraissait soudain gigantesque.
Rassurée, heureuse protégée d'un coté par Grand maman,
ma main blottie dans la sienne et de l'autre par Grand papa portant les valises.
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Tout d'abord il fallait longer l'église du village ,
puis le vieux cimetière dont les murs donnaient sur la route.
Ils n'étaient pas assez hauts pour cacher les croix des tombes en "pierre de Cassis."
et à leur vue
Surgissait alors dans mon petit esprit une grande interrogation!
"Dis Grand maman, à quoi ça sert ?"
"C'est le cimetière ma petite chérie !
l' endroit ou vont se reposer les gens lorsqu'ils sont bien vieux et bien fatigués..."
un temps de silence marquait la pause .
"Dis Grand maman est ce que tu as envie d 'aller te reposer là ?"
"Le plus tard possible , ma chérie " répondait elle alors d'un ton qui se voulait rassurant.
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En ce temps là , j'avais quatre ans.
Et c'est là, sur le chemin qui montait vers la maison des vacances
que je compris pour la première fois qu'ils se passaient des choses mystérieuses
dont les grandes personnes n'aimaient pas trop parler.
Grand maman changeait rapidement de sujet et l'insouciance reprenait sitôt sa place.
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Passé le mur du cimetière, nous apercevions alors au détour du chemin la grande laiterie .
A sa vue, je savais qu'il faudrait encore faire une bonne petite marche avant d' arriver à la traverse Reine .
Puis qu' il faudrait emprunter le chemin caillouteux de la colline avant d'atteindre
la maison aux volets bleus.
et " le signal" du début des vacances.
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Pas d'eau au robinet, pas d'électricité, mais peu importait!
Plus le bruit des voitures, plus la chaleur étouffante de la ville les jours d'été,
seulement la colline aux multiples senteurs, le chant des cigales,
la lampe à huile posée sur la table le soir venu
et l'eau fraîche du puits.
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Mes pensées s'attardent encore avec nostalgie sur cette petite maison qui a marquée de façon indélébile une partie de mon enfance.
Comme si elle avait tissée des liens entre cette époque qui me parait révolue
et pourtant encore si proche ._ ________________________________________________
Avant ma naissance, c'était déjà le lieu des rendez vous familiaux.
Grandes fêtes, communions, anniversaires, fiançailles ,
tout se passait à la Penne.
Point d'ancrage de cousins, cousines, oncles et tantes,
témoins de l'enfance et de la jeunesse de mon père et de ma tante.
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Tous les ans, mon grand père féru de cinéma descendait le pathé baby de la "soupente" de la cuisine pour nous faire revivre ces évènements joyeux sur l'écran blanc,
souvenirs fixés à tout jamais sur une pellicule.
Images sans paroles, en couleur sépia ,
que grand papa aimait accompagner au piano
pour le plus grand plaisir de tous.
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Cette maison mon père l'aimait!
Même à la fin de sa vie, à sa seule évocation surgissait ,
dans ses yeux une petite étincelle
comme si tout à coup le petit garçon qu'il avait été
revenait là, pour me raconter.
Les images magiques se déroulaient alors sur l'écran de mon imagination
comme au cinéma lorsque les lumières s'éteignent.
Son enfance, ses parents, son adolescence ,
il me les racontait inlassablement comme s'il venait de les les découvrir lui même.
Cette maison d'enfance je l'avais faite mienne,
comme si dans ses vieux murs de pierre
je ressentais encore la joie de tous ces rires que je n'avais pas connus.
Maintenant, c'était à mon tour!
avec bienveillance elle m'invitait à sa table.
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Temps lointain ou une petite fille insouciante
courait dans la colline en criant
"Pierre, Pierre je suis là !"

"
Pierre, Pierre"
mon premier compagnon de jeux.
Sa maison se trouvait au début de la traverse Reine.
on pouvait l'apercevoir au travers des grands pins.
Ses parents y vivaient toute l'année.
Pierre savait que j'allais arriver.
.
nous serions bientôt inséparables.
Bien sur à cette époque je n'en avais pas vraiment conscience , tout cela m'a été rapporté.
Puis vint l'heure de la séparation lors de notre départ pour Sète.
La perte de ce petit compagnon ajoutée au chagrin de l'éloignement d'avec mes grands parents fut difficile.
Mais je vais dire un secret.
Les chiens n'oublient jamais... leur attachement est sans faille.
Seul compte la joie de l'instant et celui des retrouvailles.
à quatre ans je savais déjà que je resterais son amie pour toute la vie.
dans les collines de Beaumont de Pertuis viendra trouver refuge chez nous.
Mais ceci est une autre histoire ...