lundi 19 juillet 2010

Intermède |Devoir de Vacances 1

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DEVOIRS
DE
 VACANCES 
NOTRE PLUS GROS MENSONGE
 ................
Nous n'avons jamais écrit de texte ensemble. 
 Nous nous sommes hasardées un jour,
 à rédiger chacune sur le même thème. 
Le résultat fut si différent, 
que nous avons repris nos habitudes. 
Ce que l'on veut, quand on veut...
Et c'est très bien ainsi.
.
Voici un Intermède à épisodes.
Une partie de ping-pong.
Une façon d'aller à la pèche,
et de redécouvrir quelques secrets oubliés.
Tout en dévoilant, à travers eux,
nos personnalités de petites filles des années 50,
qui adoraient les vacances
et détestaient l'inventeur
de ces Devoirs de Vacances 
qui plaisaient tant à leurs parents.


A tour de rôle,
l'une propose un thème
et chacune le traite à sa façon
.
ANNE

.
Enfant, j'adorais mentir, sans avoir l'impression d'enfreindre une quelconque règle. Ce n'était pas l'avis des adultes qui se sentaient responsables de mon éducation. Punitions, fessées, promesses de ne pas recommencer... C'était plus fort que moi, à la première occasion, j'inventais à nouveau un monde à ma mesure.
.
Ce n'est pas un, mais deux mensonges qui arrivent ex æquo.
.
Le premier concerne une petite fille, à qui les Sœurs de notre petite École, auraient donné le Bon Dieu sans confession.

Tous les vendredis, avant la classe, il y avait une messe à laquelle nous étions libres d'aller. J'y fus assidue, sans doute pour le plaisir de quitter la maison, seule.
.
Remarquant que je communiais et qu'au sortir de l'église, je restais à l'écart pendant que les autres dévoraient leur pain au chocolat, la Sœur Louis s'inquiéta. A jeun jusqu'à midi !
Sans me démonter, j'argumentais que je faisais semblant de déjeuner à la maison, mes parents refusant que je parte si tôt le ventre vide.
.
Ma piété fit rapidement le tour de l'École, et le vendredi suivant, me voilà attablée devant le meilleur des petits-déjeuners. 
Cacao bien crémeux, petits pains au lait tout frais, et tout autour de moi, des regards qui m'auraient fait me prendre moi-même pour une sainte.
Ce régal dura plusieurs mois. 
 .
J'ai oublié dans quelles circonstances il prit fin. Heureusement, cette histoire fut interprétée comme un malentendu et j'en sortit grandie.
.
Mes parents ? Bien sûr que tu peux communier à la messe !
Les Sœurs ?   Tu vois, tout s'arrange, le Bon Dieu veille à tout !
Il veillait à tout, mais à dater de ce jour je dus, tristement, me contenter des tartines ordinaires, que j'avalais dans la cour comme les autres...
 .
.
 

Le second se passe un jeudi, 
au Corbusier où nous habitions.

Son surnom, la Maison du Fada  n'est sans doute pas étranger à la crédulité de deux de mes camarades de classe. J'avais réussi à leur faire accepter l'idée, qu'à côté de notre appartement, j'en avais un pour moi toute seule. 
Et les voici qui débarquent, avec leurs poupées et leurs landaus, pour passer l'après-midi dans mon chez-moi. 
;
L'histoire se termine mal. Ma mère ne connaissant pas leurs parents refusa de les recevoir. Et pour cette invitation sans permission, punie dans ma chambre et interdiction d'en sortir.
.
Mais qu'allais-je pouvoir inventer pour sauver la face le lendemain ?
.
Je me lançais, sans filet, dans une explication peu crédible, qu'à ma grande surprise elles avalèrent sans sourciller.
D'abord, la dame était la bonne. Et comme elle ne faisait jamais le ménage dans mon appartement, elle en ignorait l'existence.
Ensuite, ma mère toujours absente le jeudi, interdisait que l'on reçoive des visites. Voilà ! 


C'est ce jour-là que je compris la signification de 
  J'ai eu chaud !

A toi, la suite !
.
NICOLE

 .
Je n'aimais pas trop mentir !
Tout d'abord parce que Maman m'avait avertie 
que lorsque je disais un mensonge
 elle s'en apercevait aussitôt,  
c'était écrit en lettres rouges au milieu de mon front
 et je le croyais!
Et puis aussi   
 pour ne pas faire de la peine à mon ange gardien qui me soufflait à l'oreille
 que ce n'était pas bien.



Mais je me souviens d'un mensonge énorme
dont le souvenir me fait encore honte aujourd'hui !
J'étais à l'école Coin Joli.
C'était la récréation !
Peut être pour me rendre intéressante
ou retenir l'attention  de mes petites camarades,
 je me mis à inventer une histoire fort  rocambolesque 
semblant sortir tout droit d'un des contes de Perrault ou d'Andersen.
.
Je me mis à chuchoter à mes petites amies ébahies,
que mon goûter était peut être empoisonné.
Je dis bien "peut être" car je comptais bien le manger
devant leurs visages horrifiées.
Acculée devant leurs questions pressantes,
et voyant que le jeu fonctionnait à merveille,
 le mensonge devenant  rapidement  réalité,
 je me mis à leur raconter
 sans sourciller le moins du monde,
et sans aucun remords,
que j'étais une princesse mais que...
 personne ne le savait.
.
Soudain, l'admiration, l'étonnement et l'intérêt
 suscités par ma révélation  sur le visage de mes amies, 
me firent tellement d'effet que transportée  par mon histoire,
je  devins  de plus en  plus convaincante
me prenant moi même à mon propre piège.
Tous les regards interrogateurs de mes camarades fixés sur moi
dans l'attente de la suite du récit, m'encouragèrent vivement  à poursuivre. 
Et voilà que j'inventais de plus belle.
Leur racontant que j'avais été adoptée puis cachée dès ma naissance,
 à cause de vilains méchants qui voulaient me faire disparaitre,
 pour quelque raison inconnue que je n'avais certes pas encore élaborée, 
et qu'à tout moment,
 ils pouvaient transformer mon simple pain au chocolat  
 en un horrible goûter empoisonné.
  J'étais en danger tous les jours !
Et j'en rajoutais....j'en rajoutais....


Me rendant rapidement compte
de l'excitation que l'histoire provoquait sur leurs visages 
 et  voyant leurs mines perplexes et horrifiées ,
je les rassurais en  leur disant
que le pain au chocolat que je tenais dans la main ,
  n'était peut être pas le fatal goûter.


 Tout en maintenant le suspense,
Je terminais mon récit en affirmant à mon attentif entourage,
 qu'un jour le monde découvrirait  qui  j'étais vraiment, 
 et que je n'aurais plus jamais rien à craindre.
 J'avais bien sûr agrémenté  mon récit de maints détails plus  farfelus et plus originaux
 les uns que les autres.

 Tout en  faisant mine de ne pas entendre leurs cris
"Ne le mange pas !"
j'entamais mon goûter avec délectation.
Contemplant sur leurs visages terrifiés,
avec une  fierté toute empreinte de  remords,
   l'admiration provoquée par mon geste courageux.
.
Je ne saurais jamais si elles ont vraiment cru à mon histoire
ou si elles ont toutes fait semblant.
Mais je fus tellement convaincante,
que pendant le temps d'une récréation,
je  fus  persuadée moi aussi que tout était vrai..
.
.
Messieurs les Psychanalystes
 ne voyez surtout  pas dans ce récit  un sujet d'analyse,
 mais seulement une petite fille dont l'imagination débordante,
a fait que ce jour là,
elle avait envie d'être une Autre.
.
             Nicole28 juin

samedi 5 juin 2010

Anne | Haut les mains... Peau d'lapin !...

|


 ANNE 
.......................

Je savais pas lire encore, que déjà,  
j'aimais feuilleter les albums de famille.
Je les voyais comme des livres un peu différents,
aux pages séparées par un papier fragile,
 frémissant sous les doigts.
 Les illustrations
faisaient partie de ma vie,
et dès que je laissais mon regard y vagabonder,
une histoire s'esquissait d'elle-même.
.
Aux alentours de 4 ou 5 ans, celle-ci était ma préférée.
Mon père y était le plus beau du monde,
 il se livrait au même plaisir que le mien,
et il se tenait mal !
A Millau, Mémé qui avait le même fauteuil,
nous interdisait de nous asseoir ainsi.

Je ne pouvais m'empêcher de surveiller
cet objet bizarre accroché au mur.
 Je ne le quittais pas des yeux
 pendant de longues minutes,
de peur qu'il ne se décroche, et ne l'assomme.
.
En grandissant, je compris
ce qu'était le temps suspendu.
  Je cessais de m'inquiéter
pour sauter dedans à pieds joints
Malgré mon exigence de tout savoir sur tout,
je ne posais jamais aucune question.
Et c'est en cachette, que je me livrais
à cette activité dont je percevais l'étrangeté.
C'était grisant d'aller se promener 
dans une autre vie.


.
 .
Je m'embarquais sur ce navire.
Pour tout bagage, mon livre de géographie,
ouvert au chapitre des Colonies.
Et les récits que la Soeur Louis, parfois, 
nous faisait de son pays perdu.
Il ne m'en fallait pas plus.
J'accompagnais mon père, en plein travail
 le long d'un fleuve qui traversait la Cochinchine.
A Bouzonville il avait reconstruit les ponts,
et bien ici, il les bâtissait d'une rive à l'autre.
Sur l'eau, passait une felouque.

 Ce mot, je l'avais rangé parmi d'autres,
magiques et mystérieux,
dans une boite de Coco Boër.
C'était des mots captés au vol
dont souvent j'ignorais le sens.
Me charmaient leurs sonorités,
et le plaisir de me les répéter en chuchotant.

Un jour, j'ai su déchiffrer l'itinéraire 
 tracé sur une carte routière à côté de la photo.
Il s'agissait d'une croisière sur le Rhin !
Avec son ami Gaston
l'horloger que j'aimais et qui me fascinait,
ils étaient partis camper dans les Vosges,
et avaient passé une journée sur le fleuve.
 .
D'une aventure, je passais à deux.
Elles me plaisaient tout autant.
Mais aujourd'hui encore, 
c'est la première qui me semble réelle.
.

 .
Ce bandit sournois et surpris, je l'adorais !
On sentait qu'il avait mal préparé son coup.
Un vrai débutant !
Au lieu de tenir son révolver dans la main droite,
il s'agrippe à sa bougie.
Il n'a pas fait carrière... J'aurai bien aimé pourtant !
J'imaginais l'effet en cours de récréation.
Arrête de m'embêter 
ou mon père va débarquer avec son pistolet !
 .
Bien que je n'ai jamais rien su de ce moment,
je connaissais le chef du gang.
C'était Raymond, le fils de La Piccini,
une mamma italienne qui aidait ma mère,
et nous vouait un amour sans limite.
Je la revois, à chacun de nos retours à Bouzonville,
lever les bras au ciel en énumérant nos prénoms,
pleurer et rire, 
s'essuyer les yeux avec le coin de son tablier,
avant nous serrer dans ses bras, à nous étouffer.
 .
Raymond, passionné de photographie 
avait initié mon père.
Ainsi, grâce à lui, notre vie s'est inscrite 
sur de petites images aux bords dentelés. 
.
Et sans qu'il n'en sache rien,
il m'a appris à lire en dehors des mots.
Au début dans des scènes inanimées, et plus tard,
sur les chaises branlantes de la Cinémathèque.
.
Cette photographie-là, 
me transporte toujours dans le futur.
 Dix années sont passées...
 Nous sommes dans les Alpes comme chaque hiver.
A l'étage que nous occupons dans une vieille maison,
il y a un poêle, qui chauffe une pièce.
Le soir, les quatre plus grands,
nous nous entassons à deux par lit,
dans une chambre glaciale, que dis-je, boréale.
A l'extinction des feux, le même rituel.
Blagues de Toto racontées à voix basse,
chatouilles, pincemi-pince-moi,
rires et cris étouffés sous les couvertures.
 Le silence qui finit par s'installer
et c'est alors,
que d'une voix caverneuse, 

l'un d'entre nous
 se met à déclamer.
Minuit
L'heure du Crime...
Une rafale de mitraillette !!!
N'aie pas peur Maman
C'est Papa qui pète ! 
 .
Cela nous faisait hurler de rire.
Mon père débarquait, furieux de ce chahut,
menaçait de nous priver de ski.
Et nous nous planquions à nouveau sous les couvertures,
où le sommeil nous emportait, l'un après l'autre.
.
Le révolver est resté à Bouzonville.
Mais j'ai envie de filmer la scène...
Apparition de mon père,
le flingue dans la mauvaise main,
et nous, hoquetant aux larmes.
Il crie, rien ne se passe.
Il tire un coup en l'air, nous repartons de plus belle.
Et soudain il éclate de rire avec nous.
Ma mère, excédée de ne pouvoir dormir
vient voir ce qui se passe, et c'est reparti !
Mais cette fois, c'est lui qui clame,
Minuit
L'heure du crime...

Ça y est c'est dans la boite.
En noir et blanc bien sûr.
Chacun joue son propre rôle.
Mais mon père ne ressemblait plus à sa photo !
On ne le voit que de dos,
ombre démesurée
sur le mur de la chambre.
Quand à la fin, j'en ai tourné plusieurs,
et j'hésite encore.
Une seule certitude, drôle et brève...

Anne

.
.

dimanche 21 mars 2010

Anne | L'instant volé...


|

 ANNE 

.......................
 A mon père.
A son regard qui n'a pas changé.
A ses photographies,
contrepoint de ma mémoire.
 .


Il adorait nous photographier.
Mais pas à l'improviste,
avec son appareil toujours à portée de main.
Non, en nous mettant en scène,
avec une totale et inhabituelle insouciance,
 s'amusant autant que nous.
.
Il nous entassait dans une charrette,
avec nos deux amis Daniel et Jean Marc.

et nous partions à la conquête du Far-west !

JJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJ
Il nous plaçait en rang d'oignons,
sortait un bonbon de sa poche en criant
Qui le veut?
et nous étions tous hilares la main en l'air.

jjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjj
  Il nous entassait dans le coffre de la voiture,
 abaissait le capot,
et guettait le moment 
où nous nous allions sortir.

Nous restions tranquilles,
chuchotant doucement
en le faisant attendre.
Des rires fusaient, vite étouffés,
et nous bondissions tous ensembles
comme des étoiles filantes,
en nous égayant au quatre coins de la cour.
.
Nous étions bien trop rapides
pour qu'il nous attrape au vol !
Avec, dans sa main droite, 
son appareil à soufflet.

    
Dans la gauche,
la cellule pour mesurer la lumière.
Et son regard qui allait de la voiture au viseur,
où soudain,
nos silhouettes fugaces
se laisseraient à peine entrevoir...
.
La seule trace qui reste de
Prends-nous si tu peux ...
est celle d'une séance qui a tourné court !

Philippe, encore trop petit pour comprendre,
  s'est mis à hurler !

Nous escaladions des grilles,


recto et verso ...
 


A la maison,
il affectionnait particulièrement
les photos d'escaliers.
Une bêtise pour nous faire rire,
et voilà une jolie cascade d'enfants.
hhhhhhhhhhhhhhhhh
  Nous étions,
par moments, 
complètement déchaînés
.

.
.
ce qui me donnait l'impression 
d'être dans un chapitre de Treize à la douzaine,
que je connaissais par coeur.

Quand la nostalgie de l'Enfance
a commencé à m'étreindre le cœur,
 j'ai adoré retrouver ces photos.
Mon père qui s'inquiétait de leur devenir,
m'en a instituée la gardienne.
J'ai rangé et classé.
Qu'aucun instant
ne puisse être oublié.
J'ai débusqué les vieux négatifs,
 à l'époque laissés de côté,  jugés ratés.
.
Un jour j'ai terminé,
 tristement...
Il manquait des clichés banals.
L'intérieur de la maison de ma grand-mère
et celle de mes grands-parents,
la nôtre à Bouzonville.
Et tant d'autres images que j'avais en mémoire.

C'est en remettant de l'ordre dans le labo
que François, mon plus jeune frère,

a trouvé La Photo au fond d'un tiroir.
.
.
Qu'est-ce qu'elle m'a plu... 
j'ai pensé
Oh,  je ressemble à Ingrid Bergman ! 

Plus tard en l'envoyant à un ami,
je rajoutais spontanément, sans réfléchir, 

Je suis déjà tout ce que je vais devenir.

.
C'était un instant volé,
à Crémieux chez mes grands-parents,
après une séance d'escalier.
Il devait avoir encore l'appareil en main...
il m'a vue,
et clic clac !

Je n'arrivais pas à intégrer cette photo
parmi les autres prises au même moment.
C'est bien le même chemisier,
la même coiffure
le même collier de perles qui s'emboitaient,
mais je fais l'idiote,
et je ris d'un rire qui me semble soudain
sonner faux.
Qui étais je vraiment ?
 

Et pourquoi un aussi un beau portrait,
ne figurait pas dans l'album
à côté des autres ?
Était-ce ce regard
tourné vers l'intérieur,
et qui n'a rien d'enfantin ?

Je le connais.
Pierrot, mon père,

sur ses photos d'enfant,
  souvent,
a le même.
 .
Nous avons
toujours
le même...

Chacun le sien.

Anne





dimanche 14 février 2010

Anne | Intermède | Des traces dans la neige...



Il neige avec une régularité pendulaire ...
Le jardin disparaît, réapparaît,
se cache,
laissant place à une page blanche
sur la quelle s'imprime
toute une vie
invisible.



Le décor change.
Mes yeux s'y posent... De-ci, de-là.

Cette chaise de jardin public,
bancale,
je la regardais sans la voir...
Elle me rappelle ce qu'elle garde.
Intacts,
quelques souvenirs que j'aime évoquer.



Ce banc si inconfortable,
qui donne à présent envie de s'asseoir
sur ses lattes encoussinées.



S'asseoir pour essayer de lire
Les allers et venues de la nuit.



C'est la promenade du hérisson qui habite ici ...

Le jour, il dort.
Et dans le noir,
Il explore son territoire.



Et à nouveau
Tombe la neige
la la la la la la la
Anne


Souvenirs d'enfance