dimanche 21 mars 2010

Anne | L'instant volé...


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 ANNE 

.......................
 A mon père.
A son regard qui n'a pas changé.
A ses photographies,
contrepoint de ma mémoire.
 .


Il adorait nous photographier.
Mais pas à l'improviste,
avec son appareil toujours à portée de main.
Non, en nous mettant en scène,
avec une totale et inhabituelle insouciance,
 s'amusant autant que nous.
.
Il nous entassait dans une charrette,
avec nos deux amis Daniel et Jean Marc.

et nous partions à la conquête du Far-west !

JJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJ
Il nous plaçait en rang d'oignons,
sortait un bonbon de sa poche en criant
Qui le veut?
et nous étions tous hilares la main en l'air.

jjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjj
  Il nous entassait dans le coffre de la voiture,
 abaissait le capot,
et guettait le moment 
où nous nous allions sortir.

Nous restions tranquilles,
chuchotant doucement
en le faisant attendre.
Des rires fusaient, vite étouffés,
et nous bondissions tous ensembles
comme des étoiles filantes,
en nous égayant au quatre coins de la cour.
.
Nous étions bien trop rapides
pour qu'il nous attrape au vol !
Avec, dans sa main droite, 
son appareil à soufflet.

    
Dans la gauche,
la cellule pour mesurer la lumière.
Et son regard qui allait de la voiture au viseur,
où soudain,
nos silhouettes fugaces
se laisseraient à peine entrevoir...
.
La seule trace qui reste de
Prends-nous si tu peux ...
est celle d'une séance qui a tourné court !

Philippe, encore trop petit pour comprendre,
  s'est mis à hurler !

Nous escaladions des grilles,


recto et verso ...
 


A la maison,
il affectionnait particulièrement
les photos d'escaliers.
Une bêtise pour nous faire rire,
et voilà une jolie cascade d'enfants.
hhhhhhhhhhhhhhhhh
  Nous étions,
par moments, 
complètement déchaînés
.

.
.
ce qui me donnait l'impression 
d'être dans un chapitre de Treize à la douzaine,
que je connaissais par coeur.

Quand la nostalgie de l'Enfance
a commencé à m'étreindre le cœur,
 j'ai adoré retrouver ces photos.
Mon père qui s'inquiétait de leur devenir,
m'en a instituée la gardienne.
J'ai rangé et classé.
Qu'aucun instant
ne puisse être oublié.
J'ai débusqué les vieux négatifs,
 à l'époque laissés de côté,  jugés ratés.
.
Un jour j'ai terminé,
 tristement...
Il manquait des clichés banals.
L'intérieur de la maison de ma grand-mère
et celle de mes grands-parents,
la nôtre à Bouzonville.
Et tant d'autres images que j'avais en mémoire.

C'est en remettant de l'ordre dans le labo
que François, mon plus jeune frère,

a trouvé La Photo au fond d'un tiroir.
.
.
Qu'est-ce qu'elle m'a plu... 
j'ai pensé
Oh,  je ressemble à Ingrid Bergman ! 

Plus tard en l'envoyant à un ami,
je rajoutais spontanément, sans réfléchir, 

Je suis déjà tout ce que je vais devenir.

.
C'était un instant volé,
à Crémieux chez mes grands-parents,
après une séance d'escalier.
Il devait avoir encore l'appareil en main...
il m'a vue,
et clic clac !

Je n'arrivais pas à intégrer cette photo
parmi les autres prises au même moment.
C'est bien le même chemisier,
la même coiffure
le même collier de perles qui s'emboitaient,
mais je fais l'idiote,
et je ris d'un rire qui me semble soudain
sonner faux.
Qui étais je vraiment ?
 

Et pourquoi un aussi un beau portrait,
ne figurait pas dans l'album
à côté des autres ?
Était-ce ce regard
tourné vers l'intérieur,
et qui n'a rien d'enfantin ?

Je le connais.
Pierrot, mon père,

sur ses photos d'enfant,
  souvent,
a le même.
 .
Nous avons
toujours
le même...

Chacun le sien.

Anne